L'inde Mystique de Jean-Marc Payot

Françoise Jaunin

L'inde Mystique de Jean-Marc Payot

Au pays de la ferveur hindoue

Renouant avec sa passion de toujours, l'éditeur est aujourd'hui photographe à part entière, menant sur les chemins de l'Inde une quête intérieure et untrès beau travail en noir blanc.

Pari difficile : l'Inde est si photogénique. Comment ajouter des images à la marée de celles qui existent déjà, sans en ressasser l'exotique beautéet le misérabilisme pittoresque ou poignant ? Mais Jean-Marc Payot, qui expose ses photographies de Ferveur hindoue à la Galerie ESF à Lausanne en écho au livre paru en 1998 sous le même titre, n'a pas abandonné en 1986 la maison qui porte son nom en vingt ans de carrière éditoriale juste pour aller faire de jolies photos au pays de Ghandi. En lui, l'appel au pèlerinage indien était à la fois bien plus profond et plus ancien. Il répondait à deux nécessités "contrastées" il y a plus d'un quart de siècle : sa passion de toujours pour la photographie, et l'ébranlement ressenti en 1966 devant l'exaltation mystique de l'Inde, alors qu'il était assistant du cinéaste Henri Brandt sur le tournage de Voyage chez les vivants.

Du Vaucluse où il élu domicile, le photographe reprend régulièrement la route des Indes pour se replonger dans la beauté hors du temps des villessaintes.Pari superbement réussi : aussi éloignées de la démangeaison touristiqueque du voyeurisme ou de l'esthétisation, les photographies de Jean-Marc Payot déroulent un voyage intérieur et initiatique tout entier traversé,selon la formule si juste de Charles-Henri Favrod, "d'un frémissementmétaphysique". Tournant le dos à la séduction des chatoiements colorés de l'Inde, il s'en est tenu à la discipline plus austère et exigeante du noiret blanc qui donne à ses images tout leur poids d'intériorité, de gravité recueillie et de douceur contemplative. Pas question de voler des images : de chacune d'elles, on sent qu'elle a été attendue, désirée, méditée, accueillies comme un cadeau. Jamais de précipitation non plus : voilà des photographies qui dilatent le temps etqui n'en finissent pas de s'émerveiller de voir comment les Hindous savents'abstraire du monde et ses rumeurs pour prier en tout temps et tout lieu, et mêler leur religion à chaque geste de leur vie quotidienne. Elles nousfont toucher du regard ce que souligne, dans la préface du livre, l'écrivain français Daniel Odier : "Il n'y a pour la plupart des Indienspas de différence réelle entre les mondes divins et le foisonnement de la réalité. (...) Cette ferveur, cette incandescence qui nous surprend et parfois nous perturbe, fait de chaque acte une offrande, de chaque gestel'écho mystérieux du divin."

Dévotion au quotidien

Du Mahârâshtra au Madhya Pradesh, au temple ou dans la rue, au fleuve ou au marché, il n'est pas de lieu ni de moment qui ne se prête aux dévotions. Et de nous montrer la beauté du geste de ce pèlerin ouvrant ses paumes pour recueillir l'eau de la rivière ou la concentration de ce jeune homme quidessine par terre l'effigie de Ganesh le dieu à tête d'éléphant.Sensibilité à fleur d'objectif, Jean-Marc Payot garde la distance respectueuse et pudique du témoin ébloui et troublé. Présentée en collaboration avec l'expert zurichois en antiquités asiatiques FrankRussek, une série de reliefs et petites sculptures indiennes du VIIIe au XIIIe siècles y ajoutent en écho leurs grâces ondoyantes et troublantes,

dont la sensualité paraît si contraire au mysticisme occidental.

Françoise Jaunin
24 Heures, 14.07.1999

Infolettre

Actualité

Contact

Jean-Marc Payot